PLAN

I.            Plan de la Communication.. 3

II.           Singularité des Politiques Educatives Maliennes. 3

III.         Présentation du Système Educatif Malien.. 7

IV.        Contexte et Evolution de l’Enseignement Supérieur Malien.. 7

V.          Investissements dans l’Enseignement Supérieur au Mali10

IV-1. Contribution de l’Etat Malien en Baisse. 10

IV-2. Analyse Comparative des Dépenses Publiques. 12

VI.        Défis et Enjeux. 14

V-1. Compétition Régionale Accrue. 14

V-2. Nécessaire Mise à Contribution la Diaspora pour la Réhabilitation de l’Education. 15


 

  1. Plan de la Communication
  2. Singularité des Politiques Educatives Maliennes

La présente communication vise à présenter, dans le cas du Mali, les enjeux en termes de ressources humaines dans la compétition régionale avec un accent sur l’enseignement supérieur. Elle se décline en trois grandes parties. La première donne une description du système d’enseignement supérieur malien en revenant sur le contexte de son développement. La seconde partie présente le contexte et les évolutions de l’enseignement supérieur. La troisième partie présente les investissements dans l’enseignement supérieur malien. Enfin, la dernière section tente d’identifier les défis et les enjeux pour les années à venir.

 

Bâti sur les vestiges du système colonial français, le système éducatif malien se caractérise tout de même depuis la réforme de 1962, par sa singularité à plusieurs égards notamment au niveau des innovations adoptées dans tous les ordres d’enseignement. Cette singularité lui a valu un développement fulgurant pendant premières années après l’indépendance ainsi que la reconnaissance d’une pertinence et d’une qualité avérées par rapport aux enjeux des premières décennies d’après les indépendances.

Le Mali a connu, après la réforme de 1962 qui en a défini les orientations, une éducation tournée vers l’enseignement de masse et de qualité. Le développement rapide de l’éducation de base dès l’indépendance, répondant à une priorité des leaders politiques qui visaient à assurer le remplacement des cadres français par les ressources humaines nationales capables pour faire fonctionner l’administration et les services de la Nouvelle Nation indépendante du Mali.

Toutefois, l’accès, la pertinence et la qualité de l’éducation a connu des fortunes diverses tout le long de l’évolution historique du pays.

Dans les années 70, la baisse des ressources publiques et du pouvoir d’achat des populations, causée par la sécheresse entraîna une baisse de la demande sociale d’éducation. Cette période est alors marquée par un ralentissement du rythme de développement des institutions d’enseignement par rapport à celui des années 1960.

Durant la décennie 80, cette tendance s’accentue avec l’apparition de la crise économique entrainant un début de chômage des jeunes diplômés dû à la   conjonction de trois facteurs majeurs : Une croissance démographique soutenue, la fermeture ou la privatisation de la plupart des industries manufacturières bâties dans les années soixante et l’accélération de la scolarisation secondaire passée à l’étape de la régionalisation.

En parallèle, le phénomène de l’urbanisation rapide se poursuit avec la concentration des structures d’enseignement secondaire et supérieur dans les centres urbains.

Les années 80 à 90, marquées par les crises économiques et financières et leurs corolaires de politiques d’ajustements structurels ont encore élargi le fossé du retard pris par le Mali, notamment dans l’accès et la qualité de l’enseignement supérieur.

Les années 90 à 10 sont marquées par une crise sociopolitique qui affecte durablement le système d’éducation. Les grèves à répétition et la massification des effectifs dans l’enseignement supérieur entraînent une baisse de la qualité de l’enseignement avec des taux de redoublement et de déperdition importants. La demande sociale pour des formations offertes par le système éducatif public devient plus faible et l’on assiste à un développement accéléré de l’enseignement privé à tous les niveaux, incluant la multiplication des écoles medersa[1].

Après avoir connu ses heures de gloire, aujourd’hui, l’éducation malienne est considérée comme une des plus faibles de la sous-région même comparée aux pays ayant un niveau de développement économique similaire. Considéré comme précurseur de plusieurs innovations dans les politiques éducatives, le Mali a aujourd’hui un taux d’alphabétisation parmi les plus faibles en Afrique et au Monde (56 %)[2] même si les politiques récentes d’accélération de l’Education Pour Tous (EPT) ont permis d’atteindre un taux brut de scolarisation de près de 80%.

Au niveau de l’enseignement secondaire, la singularité a été marquée par la création d’écoles professionnelles à même de fournir des techniciens de haut niveau pour le secteur secondaire comme le Lycée technique, les Centres de Formation Professionnelle (CFP), l’Ecole Centrale pour l’Industrie, le Commerce et l’Administration (ECICA) dont la qualité des sortants, a toujours incité plusieurs pays africains y envoyer des élèves. Cette priorité accordée à la formation professionnelle, a cohabité avec une importance non moins grande accordée à la formation dans les lycées d’enseignement général afin d’alimenter les écoles supérieures en étudiants ayant un niveau scientifique, littéraire et technique suffisant pour la formation des cadres supérieures dans les grandes écoles du supérieur.

Au niveau de l’enseignement supérieur, la singularité positive qui a marqué les premières années d’indépendance était l’option clairement affichée de fonder l’enseignement non sur les universités classiques à l’image de tous les autres pays francophones, mais sur les grandes écoles à même de former les ressources humaines de haut niveau pour les besoins de l’administration et surtout pour prendre en main l’économie du pays dans les secteurs primaire et secondaire et tertiaire. C’est ainsi qu’à côté de l’Ecole Normale Supérieure (ENSUP) en charge du corps enseignant et des corps d’encadrement et l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) en charge des cadres de l’administration, la priorité a été accordée à la formation des cadres pour l’agriculture à l’Institut Polytechnique Rural, (IPR), et les infrastructures à l’Ecole Nationale des Ingénieurs (ENI). Ces grandes écoles étaient considérées comme des centres d’excellence à vocation régionale qui accueillaient des étudiants ressortissants de toutes les sous-régions d’Afrique.

Au niveau post universitaire, le Mali s’est également singularisé en créant au sein des facultés des grandes écoles, des écoles doctorales appelées Centres Pédagogiques Spécialisés (CPS) et transformées plus tard, dans les années soixante-dix, en Institut Supérieur de Formation et de Recherche Appliquée (ISFRA).

Le rôle pionnier joué par le Mali et qui faisait sa fierté partout dans le monde, s’est vite transformée en handicap, tant les premières initiatives sont demeurées isolées et léthargiques pendant des décennies alors qu’aujourd’hui, la plupart des pays voisins ont multiplié la création d’écoles doctorales dans tous les domaines, attirant ainsi les jeunes doctorants maliens notamment au Sénégal, ou même au Burkina.

Sur le plan de la recherche scientifique, les premiers étudiants de ces grandes écoles ont permis de mettre en place des pôles de chercheurs dont certaines individualités font encore la fierté du Mali. Des chercheurs comme le professeur OGOBARA Doumbo ou le professeur Alfousseini BRETAUDEAU sont les produits de ces écoles.

Dans le domaine de la recherche agronomique, de la Médecine en général et de la Médecine Traditionnelle en particulier, les laboratoires et centres nationaux de recherche agronomique et médicales e ont fait la fierté des maliens par la notoriété de leur chercheurs unanimement reconnue par leurs pairs dans le monde.

Acculé par une démographie scolaire accéléré suite aux avancées de l’EPT et un désengagement prolongé de l’Etat, le Mali s’est vu dans l’obligation de renoncer à sa singularité qui faisait sa fierté pour créer une université classique au même titre que tous ses voisins avec l’inconvénient d’accuser un retard important sur ses voisins dans l’acquisition d’une expérience significative de gestion de l’université. Même si la Réforme de 1962 avait prévue l’ouverture de l’Université sa concrétisation est intervenue dans une situation de crise aigüe consécutive en grande partie à l’explosion de la demande d’enseignement qui continue à marquer sa gestion près de vingt ans après.

Aujourd’hui, le système éducatif malien, sur la base des perceptions des maliens et même de ses pays voisins, est considéré comme de très mauvaise qualité. En attestent l’épiphénomène des énormes fautes commises par les étudiants et les diplômés de l’université quand ils s’expriment dans les médias lors d’évènements fortement médiatisés. Par ailleurs, lors des concours organisés à l’intention des diplômés de l’Ecoles Nationale d’Administration pour accéder à la nouvelle forme de l’ENA dont la formation débouche directement sur le recrutement à la fonction publique. L’ENA, n’a-t-on pas noté que, sur près d’une dizaine de milliers de candidats, le concours de recrutement n’a pas permis de sélectionner 100 cadres ayant obtenu la moyenne dans les matières du concours.

Par ailleurs, au sein des programmes régionaux de master et de doctorats, les candidats, les étudiants maliens ne brillent plus par leurs performances quantitatives et qualitatives par rapport aux ressortissants des pays voisins.

De manière plus objective, les évaluations comparatives de rendements scolaires menées par la Conférence des Ministres de l’Education des pays francophones (CONFEMEN) à travers le Programme d’Evaluation des Systèmes éducatifs Africains (PASSEC), ont montré que près de 60% des élèves maliens ne savent ni lire, ni écrire, ni calculer à la fin du primaire.

Considéré comme précurseur de la plupart des innovations, tout se passe comme si les avancées obtenues par le Mali dans les années soixante et soixante-dix, ont abouti à une lassitude qui a permis aux autres pays de s’appuyer sur leur retard pour réaliser des avancées encore plus rapides.

A cela s’ajoutent les effets ravageurs d’une politique de salaire catastrophique appliquée par le régime socialo communiste qui a dirigé la pays jusqu’en 1968 qui a poussé des milliers de cadres maliens notamment des enseignants à s’exiler dans les pays voisins considérés comme des eldorado en comparaison des salaires qu’ils offraient à leurs enseignant avec ceux pays au mali dans une monnaie dont la valeur était la moitié du Franc CFA en vigueur dans la plupart de ces pays.

Cette politique catastrophique s’est prolongée par une autre encore plus assassine pour l’école malienne à savoir la dictature militaire issue du coup d’état de 68. Ce pouvoir dictatorial qui a instauré très rapidement une persécution systématique des enseignants et une confrontation permanente avec les enseignants et les étudiants.

Nous vivons aujourd’hui les conséquences de ces relations conflictuelles séculaires qui ont marqué à jamais le climat social de l’école.


 

  1. Présentation du Système Educatif Malien
  2. Contexte et Evolution de l’Enseignement Supérieur Malien

Le système éducatif malien est articulé autour des trois ordres d’enseignement dans un architecture unique dans la sous-région, regroupant le niveau primaire et le début du secondaire (dans le système français adopté par les pays voisins) en un ordre d’enseignement à deux cycles appelé enseignement fondamental.

Le premier cycle de l’enseignement fondamental compte six ans d’études sanctionnés par le Certificat de Fin d’Etudes du Premier Cycle (CFEPC) un second cycle de trois ans. Le second cycle est sanctionné par le Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF).

L’enseignement secondaire d’une durée de 3 ans après le DEF est sanctionné par le Baccalauréat donnant droit à l’accès à l’enseignement supérieur dans le pays ou à l’étranger.

L’enseignement supérieur, d’une durée de 3 à 8 ans selon le nouveau format (LMD) permet d’obtenir une licence en 3 ans, un Master en 5 ans et le doctorat 8 ans après le baccalauréat.

A l’indépendance en 1960, le Mali ne comptait aucune structure d’enseignement supérieur. Toutefois, un enseignement de qualité et professionnalisé était dispensé avec l’appui de la coopération technique de l’ex-URSS au sein d’instituts professionnels. La Réforme de 1962 pose les bases de la stratégie de développement de l’enseignement supérieur au Mali. Elle prévoyait de doter le Mali de cadres supérieurs et de techniciens moyens en nombre suffisant en appui aux usines et entreprises en forte demande de main d’œuvre qualifiée en s’appuyant sur des institutions d’enseignement supérieur de qualité au sein de l’espace national. La mise en œuvre de cette réforme a pris, toutefois, un grand retard. Il faut attendre la Loi de 1986 portant création de la 1ère université, l’Université du Mali, dotée de trois (3) facultés et de cinq (5) instituts dispersés à travers le pays. L’option retenue fut de dispenser une formation en relation des potentialités en ressources naturelles des sites d’implantation des différents instituts. Néanmoins, il fallut encore une décennie pour la mise en application du décret seulement en 1996.

Sur le plan institutionnel, de 1963 à 1975, de nombreuses grandes écoles (ENSup[3], ENA[4], ENI[5], ENPT[6], IPR[7]), quasiment toutes installées dans la capitale, furent créées. Elles accueillaient, en 1975, près de 2 500 étudiants. La forte demande de formation se traduisit un doublement en moins de 10 ans des effectifs de ces institutions, qui accueillaient en 1983 près de 5 000 étudiants. Ces cohortes de diplômés des institutions d’enseignement supérieur ont été systématiquement recrutées par l’Etat, principal employeur des diplômés de l’Enseignement Supérieur.

Entre 1962 et 1986, l’Etat Malien a poursuivi sa politique de remplacement progressif des coopérants techniques par des compétences nationales formées sur le territoire ou à l’extérieur (ex-URSS) Le chômage était inconnu chez les diplômés de l’enseignement supérieur. Au cours de ces vingt années, l’école fut le principal ascenseur social pour certaines classes sociales (agriculteurs, éleveurs, artisans, etc.).

Cet élan fut stoppé en 1980 avec la crise économique mondiale. Les taux de croissance chutèrent drastiquement et l’endettement de l’Etat explosa. On assista alors aux premiers retards de salaires des fonctionnaires et donc des enseignants allant jusqu’à 4 mois. Des mesures drastiques furent alors prises dans les années 1990, avec les politiques d’ajustement structurels, entraînant une réduction de l’intervention de l’Etat dans tous les secteurs et des impacts négatifs directs sur les budgets des institutions publiques d’enseignement supérieur. Pendant que les ressources étaient de plus en plus limitées, la demande pour l’enseignement supérieur s’accroissait avec la démographie créant un décalage important entre l’offre et la demande.

La massification des effectifs s’accéléra, malgré une baisse importante observée du taux d’accès à l’enseignement supérieur sous la poussée démographique. La variation totale de l’effectif d’étudiants au Mali, entre 2008 et 2010, fut de +4,7%[8]. En 2009-2010, selon les dernières informations disponibles, le système d’enseignement supérieur du Mali comptait 71 282 étudiants[9], dont :

-        88,7% à l’Université publique de Bamako avec 29,1% de femmes ;

-        0,3% dans les universités privées avec 47,2% de femmes ;

-        5,3% dans les grandes écoles publiques hors universités, avec 15,1% de femmes;

-        5,8% dans les grandes écoles privées avec 39,8% de femmes.

Le ratio étudiants/lit à l’université de Bamako est de 33 étudiants pour 1 lit.

En réponse à la pression sur le système public, les autorités libéralisèrent le domaine et le pays connu une multiplication des institutions privées d’enseignement supérieur. Ainsi, entre 2007 et 2010, le nombre d’établissements d’enseignement supérieur du Mali passa de 52 à 66, soit une augmentation de près de 30%, soit une croissance moyenne de 5% par année.

Cette tendance observée au Mali est similaire à celle de l’espace UEMOA, avec une augmentation régulière de la part de la population accédant à l’enseignement supérieur.

Tableau 1 : Evolution du nombre d’étudiants pour 100 000 habitants entre 2008 et 2010

PAYS

2007/20208

2008/2009

2009/2010

MALI

             647

     487

551

BURKINA   FASO

     303

     317

323

COTE   D’IVOIRE

     719

     712

732

SENEGAL

          766

     734

768

UEMOA

556

     563

628

 

Source : UEMOA, Suivi des indicateurs de l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA, Octobre 2012.

Au-delà de la pression démographique, la crise que traverse l’enseignement supérieur des pays de l’UEMOA en général et du Mali en particulier, a des causes systémiques profondes liées notamment aux relations conflictuelles entre l’Etat et les universitaires, à la politisation de l’université, à l’insuffisance pendant des décennies des investissements dans le secteurs et à l’inadaptation criarde des offres de formation aux besoins du marché[10].

Le professeur Issaka Bagayogo[11], analysant les causes de la crise de l’enseignement supérieur et la baisse de la qualité, indexe la dévalorisation de l’activité intellectuelle intervenue au Mali et qui démotive les jeunes à se servir de l’école comme mode d’ascension sociale, comme la cause la plus grave de la détérioration de l’école malienne. A cela s’ajoute, la prise en otage de l’école par des leaders étudiants qui ont utilisé l’agitation scolaire comme dividende d’ascension sociale et politique.

Aujourd’hui chaque jeune étudiant sait que son élection dans le bureau de l’AEEM est synonyme de réussite sociale avec les pratiques illégales d’octroi de bourses, et d’autres avantages faramineux sur les campus.

  1. Investissements dans l’Enseignement Supérieur au Mali

Le constat premier ressortant des recherches montre que les informations sur le système d’enseignement supérieur sont très peu disponibles. La majorité des indicateurs étant mesurés sur la base d’estimations, faute de données réelles disponibles.

IV-1. Contribution de l’Etat Malien en Baisse

Les informations disponibles sur les budgets de l’enseignement supérieur maliens votés et exécutés de 2007 à 2009 montrent que, globalement, la contribution de l’Etat dans l’Enseignement supérieur est en baisse. Entre 2007 et 2009, ce budget a été réduit de près de la moitié, passant de 79 544 millions de F CFA à 43 059 millions de F CFA, soit une baisse de 46%. Pourtant, durant la même période, le Produit Intérieur Brut, qui est un indicateur de la richesse du pays, s’est accru de 22%. Le tableau suivant présente l’évolution du budget de l’enseignement supérieur malien.

Tableau 3 : Evolution du budget de l’enseignement supérieur de 2007 à 2009 (en millions de F CFA)

Lignes budgétaires

2009

2008

2007

Budget de l’enseignement   supérieur voté

43 059

38 520

79 544

Budget de l’enseignement   supérieur exécuté

41 688

36 872

50 551

Budget National voté

n/d

1 055 680

994 400

Budget National exécuté

n/d

705 724

882 147

Produit Intérieur Brut (PIB)

4 232 100

3 912 000

3 479 800

Source : Commission de l’UEMOA, Annuaires Statistiques de l’Enseignement Supérieur, Année Académique 2007-2008 à 2009-2010.

Malgré une croissance économique soutenue au cours des dernières années, la contribution de l’Etat aux dépenses de l’enseignement supérieur est demeurée stable autour de 1% du PIB. Par ailleurs, dans l’enseignement supérieur, plus le taux de participation à est faible, plus les dépenses publiques par étudiant, lorsqu’elles sont comparées au PIB par habitant, sont élevées.[12]. Cette tendance inverse démontre que l’implication de l’Etat dans le financement de l’enseignement supérieur s’est affaiblie de manière injustifiée. Ce taux se situe, toutefois, dans la moyenne des pays de l’UEMOA.

Tableau 4 : Evolution des dépenses publiques exécutées pour l’enseignement supérieur (en % du PIB)

Pays

Dépenses publiques

exécutées pour l’enseignement supérieur

(en % du PIB)[13]

 

2009-2010

2008-2009

2007-2008

Bénin

0,8

2

1,9

Burkina Faso

0,5

0,5

0,6

Côte d’Ivoire

1,0

0,9

1,0

Guinée-Bissau

n/d

n/d

n/d

Mali

1,0

1,0

0,9

Niger

1,3

1,3

0,6

Sénégal

1,5

1,5

1,3

Togo

0,7

0,6

0,5

Afrique

0,47

n/d

n/d

OCDE

1,6

1,5

1,6

Sources : 1- Commission de l’UEMOA, Annuaires Statistiques de l’Enseignement Supérieur, Année

Académique 2007-2008 à 2009-2010

   2- Worldbank database, Tableau B2.1. Dépenses au titre des établissements

     d'enseignement en pourcentage du PIB, selon le niveau d'enseignement (1995, 2000,

     2009

             3- OECD, Regards sur l’éducation, 2008, 2009 et 2010.

Par ailleurs, le budget de l’enseignement supérieur en pourcentage du budget total de l’éducation, qui se situait, en 2009, à 17,8%[14]est demeuré stable. Ces chiffres montrent que les priorités affichées dans la plupart des orientations stratégiques des Etats ne se sont que peu concrétisées dans les allocations budgétaires aux institutions d’enseignement supérieur, confortant de facto la place du secteur privé. Le tableau suivant présente le niveau des dépenses de l’enseignement supérieur en pourcentage des dépenses totales de l’éducation pour les Etats de l’UEMOA avec une comparaison avec un pays de l’OCDE.

Tableau 5 : Dépenses de l’enseignement supérieur en % des dépenses de l’éducation

Pays

Dépenses de l’enseignement supérieur

en % des dépenses de l’éducation

 

2009-2010

2008-2009

2007-2008

Bénin

18,7%

19,3%

n/d

Burkina   Faso

2,3%

2,3%

n/d

Côte   d’Ivoire

n/d

18,9%

21,7%

Guinée-Bissau

8,1%

n/d

n/d

Mali

17,8%

17,3%

16%

Niger

31,6%  

23,2%

n/d

Sénégal

21 ,2%

19,8%

21,3%

Togo

16,4%

n/d

19,5%

France

22,7%

22,2%

21,9%

Sources : 1-   Commission de l’UEMOA, Annuaires Statistiques de l’Enseignement Supérieur, Année

       Académique 2007-2008 à 2009-2010.

2-      Worldbank data base.

3-      UNESCO UIS data base.

IV-2. Analyse Comparative des Dépenses Publiques

L’analyse comparative du niveau moyen de dépenses dans l’enseignement supérieur au sein de l’espace UEMOA montre que le malien ne se situe pas parmi les pays consacrant le moins de ressources publiques à son système. En effet, sur les huit Etats de l’Union, le Mali se situe à la quatrième place durant les trois années pour lesquelles des statistiques sont disponibles. Toutefois, l’analyse comparative de ces informations avec celles des pays de l’OCDE montrent des niveaux de dépenses publiques moyennes par étudiant dans l’enseignement supérieur dix fois supérieur à celui des pays de l’UEMOA en général et du Mali en particulier. Malgré la prise en compte du coût de la vie et des dépenses d’infrastructures, l’évolution des chiffres confirment l’écart important existant entre les pays du Sud et ceux du Nord qui ne tend pas à se résorber. Cette tendance se confirme largement dans le cas du Mali.


Tableau 6 : Evolution des dépenses moyennes de l’Etat par étudiant de l’enseignement supérieur en FCFA (secteur public uniquement)

Pays

Dépenses moyennes de l’Etat par étudiant de   l’enseignement supérieur en FCFA

(secteur public uniquement)

 

2009-2010

2008-2009

2007-2008

Bénin

331 054

431 254

347 020

Burkina Faso

527 196

527 196

489 797

Côte d’Ivoire

n/d

616 065

695 935

Guinée-Bissau

109 689

n/d

343 028

Mali

n/d

627 808

571 508

Niger

n/d

710 000

960 343

Sénégal

n/d

990 710

849 648

Togo

229 069

204 760

144 892

OCDE[15]

9 001 698

8 997 762

6 858 500

Sources : 1-  Commission de l’UEMOA, Annuaires Statistiques de l’Enseignement Supérieur, Année

   Académique 2007-2008 à 2009-2010.

2-      OECD, Regards sur l’éducation, 2008, 2009 et 2010.

3-      UNESCO UIS data base.


 

  1. Défis et Enjeux

V-1. Compétition Régionale Accrue

Les institutions d’enseignement supérieur du Mali, comme celles de la sous-région, se font désormais une concurrence importante liée aux exigences de qualité prônées par l’Union à travers la Directive portant adoption du LMD. En effet, avec la Directive n° 03/2007/CM/UEMOA du 04 juillet 2007 portant adoption du système Licence, Master, Doctorat (LMD) dans les Universités et établissements d'enseignement supérieur au sein de l'UEMOA, toutes les institutions devront se conformer aux même règles de qualité et de pédagogie offrant ainsi aux ressortissants de l’Union, des opportunités de mobilité au sein de l’espace UEMOA et au-delà. Par ailleurs, la Commission appuie depuis plusieurs années des institutions de référence au sein de l’Union appelées « Centres d’excellence de l’UEMOA ». Ces universités et écoles de haut niveau offrent des formations de qualité et attirent désormais de plus en plus de ressortissants de l’espace communautaire. En effet, l’évaluation du programme de soutien par exemple, a permis de constater qu’environ 65% des étudiants et autres auditeurs bénéficiaires de la bourse d’excellence sont accueillis hors de leur pays dans les autres institutions labellisées. Tous sont originaires de pays de la zone UEMOA : Côte d’ivoire, Niger, Burkina Faso, Mali, Bénin, Togo, Sénégal. Sur 238 auditeurs recensés (décompte des dépouillements des entretiens), 68 viennent de leurs pays d’origine et les 170 sont d’autres pays de l’UEMOA » (Source : Rapport d’évaluation du PACER, par Paul Sarambé, 2010).

Au-delà des initiatives communautaires, la multiplication des institutions privées d’enseignement supérieur a permis de contribuer significativement à l’amélioration de l’offre d’enseignement supérieur en accueillant 6,1% des étudiants. Sur le plan de la qualité, cohabitent des écoles privées parmi les plus performantes attirant un public-cible riche avec des écoles dont la qualité est douteuse. On a également assisté à l’apparition de nouvelles pratiques méconnues auparavant notamment celles relatives à la publicité mensongère, au trafic des faux diplômes et autres pratiques qui ne sont pas d’ailleurs, l’apanage des seules écoles privées.

Ainsi, des campagnes de marketing des formations sont effectuées dans des pays autres que celui où les institutions se trouvent et des programmes de grandes écoles internationales sont transplantés dans plusieurs pays sans aucune adaptation au contexte national. Cette compétition accroît la pression sur le système d’enseignement supérieur (public et privé) malien qui n’est plus le seul capable d’offrir des formations de qualité à ses ressortissants. Le Mali, qui jadis, était un pôle de référence au niveau de la formation en médecine, par exemple, et attirait des ressortissants de toute l’Afrique doit désormais faire face à une concurrence dans tous les domaines au sein de l’UEMOA et de l’Afrique. Une autre illustration est l’Ecole Nationale d’Ingénieur de Bamako qui est en concurrence avec des Centres d’Excellence comme la Fondation 2iE au Burkina Faso ou l’Ecole Polytechnique Félix Houphouët Boigny de Yamoussoukro.

V-3. Formation Professionnelle : Alternative à l’engorgement de l’Enseignement Supérieur

L’alinéa d) de l’article 4 du traité modifié recommande d’instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre d'actions communes et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transports et télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines. Aussi, un état des lieux a été établi aux termes de l’étude réalisée sur les systèmes d’enseignement et de formation techniques et professionnels dans les pays de l’UEMOA par la Commission en 2009-2010. Celle-ci a fait ressortir de nombreux dysfonctionnements dont l’inadéquation entre la formation et l’emploi avec des systèmes de formation ignorant les besoins des secteurs professionnels et de la société  et des systèmes de formation orientés par l’offre et non par la demande. Le Mali n’échappe pas à cette réalité. La main d’œuvre hautement qualifiée pour les métiers du bâtiment ou encore de l’agriculture demeure insuffisante.

Sur la base de ces constats, la Commission s’est engagée à mettre en œuvre des actions visant à améliorer la qualité des systèmes d’enseignement et de la formation techniques et professionnels des pays membres de l’Union, à travers notamment l’accroissement de l’accès par l’augmentation des capacités d’accueil et la diversification de l’offre de formation professionnelle. Ces mesures permettront, à terme, d’offrir aux jeunes de l’espace UEMOA des alternatives aux cursus universitaires classiques offrant peu de débouchés en matière d’emploi.

V-2. Nécessaire Mise à Contribution la Diaspora pour la Réhabilitation de l’Education

La diaspora malienne, considérée à tort ou à raison comme une des plus dynamiques au monde pourrait être mise à contribution pour l’amélioration significative de l’enseignement supérieur afin de lui redonner ses lettres de noblesse d’entant perdues. Cette contribution pourrait être encouragée aussi bien au niveau du financement de l’ESR que de l’amélioration des ressources humaines des universités et grandes écoles. Cette diaspora pourrait constituer le principal agent de facilitation de l’amélioration de la coopération interuniversitaire entre les écoles maliennes et celles des pays d’accueil des maliens à l’étranger

En effet les principales sources de financement de l’enseignement supérieur sont au nombre de trois (3) :

  • Les ménages : Les paiements directs effectués par les apprenants aux institutions d’enseignement supérieur ;
  • L’Etat : Dans le cas des institutions publiques, l’appui de l’Etat peut prendre diverses formes : Budget, exonération de taxes pour les acquisitions, etc. ;
  • Les partenaires : Ces ressources sont généralement disponibles à la suite de signature de partenariats avec des institutions nationales (entreprises, etc.) ou internationales.

Une autre source de revenu peu utilisée par les institutions africaines est la diaspora, à travers le mécénat ou les dons. Ce système très développé dans les pays anglo-saxons apparaît désormais comme une alternative à envisager pour compléter le financement des institutions d’enseignement supérieur du Mali. Il s’agirait, par exemple, à travers les réseaux d’alumni ou les ressortissants maliens résidant à l’étranger, de mobiliser des ressources qui, mises ensemble pourraient combler une part non négligeable des besoins non couverts par le budget de l’Etat et des autres partenaires.

En outre, le Mali a été un des premiers pays à élaborer et à mettre en œuvre un programme d’intervention des ressources humaines de la Diaspora pour combler l’insuffisance de professeurs de qualité pour l’enseignement supérieur. Ce programme appelé « TOKTEN », a bénéficié de l’appui du PNUD et a permis de suppléer à l’insuffisance d’enseignants de rang magistral au sein des programmes de master et de doctorat ouverts dans le pays. Grâce à ce programme, la diaspora pourrait aussi contribuer sur un plan scientifique à la création de plusieurs programmes de master et de doctorat. Des enseignants-chercheurs maliens en poste à l’étranger ont effectué ponctuellement des missions d’enseignement dans des universités maliennes pour mettre à profit leurs connaissances. Ce programme, financé de l’étranger n’a malheureusement pas fait l’objet d’une stratégie d’appropriation et de pérennisation au niveau national.

Ces échanges avec la diaspora et l’appel à leurs contributions financières restent encore trop souvent le fruit d’initiatives individuelles, peu soutenues par les autorités.

 


[1]TOUNKARA B, Situation de l’éducation de base au Mali – Quelques points saillants, 1995.

[2] En pourcentage des hommes âgés de 15 ans à 24 ans, entre 2007-2011, Source : UNICEF.

[3] ENSup : Ecole Normale Supérieure.

[4] ENA : Ecole National d’Administration

[5] ENI : Ecole Nationale d’Ingénieur

[6] ENTP : Ecole Nationale des Travaux Publics

[7] IPR : Institut Polytechnique Rural

[8] UEMOA, Suivi des indicateurs de l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA, Octobre 2012

[9] UEMOA, Annuaire Statistique de l’Enseignement Supérieur du Mali 2009-2010.

[10]Olukoshi A et Diarra M.C, Enjeux du financement et de la planification de l’éducation en Afrique – Ce qui marche et ce qui ne marche pas, CODESRIA, 2007.

[11] Bakayoko Issiaka, La crise de l’enseignement supérieur au Mali, Publications du CODESRIA, 2007.

[12] Projections fournies par Mathieu Brossard et Borel Foko, Coûts et financement de l’enseignement supérieur dans les pays d’Afrique francophone, UNESCO-BREDA, 2006.

[13] Le lecteur doit présenter ces informations comme des données provenant de sources différentes et qui peuvent entraîner des biais d’analyse en raison des mécanismes différents de collecte des informations.

[14]Source : MSFE, 2009.

[15] Les montants exprimés en dollars ont été actualisés pour tenir compte de l’inflation (5%) puis convertis au taux de change nominal (450) pour éliminer l’effet de la fluctuation de la monnaie et tenir compte de la dimension temporelle.